Et si on repensait la prison ?
Le 11 mars, Marseille solutions a participé au premier atelier d’archifiction né du partenariat entre le mouvement RESCALED et l’architecte Anouk Mousset. Cet atelier a pour but de co-concevoir une maison de détention à petite échelle et intégrée à un environnement urbain, selon un cahier des charges bien précis sur un territoire. Et pourquoi pas à Marseille ?
Pourquoi imaginer des maisons de détention ?
Le mouvement RESCALED propose une alternative à la détention classique : des maisons de détention pour remplacer les prisons. Le mouvement, constitué en organisation internationale à but non lucratif, se déploie dans 5 pays : la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal et la France, où il est porté par la FARAPEJ.
En France, le parc pénitentiaire actuel est majoritairement constitué d’établissements de grande taille, surpeuplés et souvent éloignés des villes. Cela rend difficile le respect des droits fondamentaux des personnes détenues : le droit au respect de la dignité, à la vie privée, à l’enseignement, au maintien des liens familiaux… Au contraire, les maisons de détention doivent permettre aux personnes détenues d'exécuter leur peine dans des conditions dignes et de favoriser un parcours de sortie de la délinquance.
Les maisons de détention s’appuient sur trois piliers :
> La petite échelle : Grâce à leur échelle humaine, les maisons de détention permettent une sécurité dynamique basée sur des relations de proximité entre les personnels et les personnes détenues.
> La spécialisation : les maisons offrent un accompagnement global et individualisé pour chaque personne avec un programme d’activités et une sécurité adaptée.
> L’intégration locale : les maisons travaillent en partenariat avec les acteurs sociaux, économiques, culturels, associatifs, politiques, sportifs et sanitaire du territoire. Les personnes détenues utilisent les services disponibles localement, et apportent une valeur ajoutée au quartier et à la société.
L’archifiction : un atelier de co-conception d’une maison de détention
L’équipe française de la Farapej a déjà conçu un projet pilote de maison de détention en collaboration avec l’architecte Mélanie Bouteille. Avec les ateliers d’archificiton, il s’agit de mobiliser les acteurs locaux et les acteurs clés du milieu pénitentiaire en vue de l'implantation d’une maison de détention sur leur territoire. Conçu comme un temps de co-conception et de débats, ces ateliers ont vocation à agir comme un levier d’action à partir du cahier des charges d’une maison de détention établi par Rescaled.
Marseille Solutions a pu participer au premier atelier d’archifiction qui a réuni des personnes du milieu associatif, universitaire et d’autres personnes travaillant en lien avec le milieu carcéral (notamment prison insider, la croix rouge, citoyen et justice, Marseille solutions…). Nous avons testé cet atelier afin d’apporter notre regard sur cette démarche avant que les ateliers puissent être conduits auprès de divers acteurs sur des territoires ciblés : des personnels de l’administration pénitentiaire et de l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice (APIJ), des riverains du site d’implantation etc.
Concrètement, comment se passe un atelier d’archifiction ?
Nous avons d’abord été plongés dans le cahier des charges de Rescaled ainsi que dans le récit d’implantation d’une maison de détention, située pour cet atelier en milieu urbain à Villeurbanne. Ensuite, nous avons imaginé par petits groupes le fonctionnement de l’établissement et sa traduction spatiale à travers un plan schématique et une maquette. Nous avons ensuite mis en récit nos projets en racontant la journée d’Amad, une personne détenue dans la maison de détention et d’Anna, un membre du personnel.
Cet atelier a été l’occasion d’une mise en débat du concept de maison de détention. Nous avons été invité à remettre en question certains mots utilisés dans le milieu carcéral comme le terme de “personnes détenues” ou de “cellule”. Nous nous sommes également penchés sur des aspects très concrets de la vie quotidienne dans les maisons de détention comme le degré de liberté de circulation au sein de la maison, les espaces communs destinés aux personnes privées de liberté, mais aussi ceux destinés aux personnels. Les liens entre la maison de détention et l’extérieur ont été particulièrement questionnés puisque le cahier des charges indiquait la création d’un tiers-lieu au sein de la maison : un lieu qui fasse l’interface entre la détention et la société, par exemple un café, une ressourcerie, une crèche, etc.
Plus que de chercher à concevoir un modèle de maison de détention idéale, ces ateliers ont pour but de mettre en débat le concept de maison de détention.
Et si on implantait une maison de détention à Marseille ?
Le territoire marseillais accueille déjà plusieurs établissements pénitentiaires : un établissement pénitentiaire pour mineurs, et le centre pénitentiaire des Baumettes qui comporte une structure d’accompagnement vers la sortie (SAS). Marseille Solutions a déjà participé à mettre au point des solutions en faveur de la réinsertion à l’intérieur de la détention avec les Beaux mets. Ce projet en partenariat avec le traiteur engagé La Table de Cana à pour objectif final d’ouvrir un restaurant ouvert au public au sein des Baumettes. Une première graine de ce projet a été semée avec l’ouverture en mai 2019 d’un restaurant d’application dans la cantine du Coco Velten au centre-ville de Marseille. Il a déjà permis à des personnes détenues de se former à divers métiers de la restauration, un secteur qui recrute en région PACA. Marseille Solutions souhaite désormais aller plus loin dans la réflexion sur la détention de demain en participant à la mise en place d’ateliers de co-conception d’une maison de détention à petite échelle dans le centre-ville de Marseille.